lundi 2 juillet 2012

La littérature américaine: mal-être et psychose...




Le 4 Juillet est le jour de la fête nationale américaine. Pour cette occasion, je vous présente (un peu en avance) un petit article consacré à la littérature américaine. Mais avant de vraiment commencer cet article, je dois vous faire un aveu: j'ai du mal à m'intéresser à ce genre de littérature. Parmi mes auteurs préférés, vous ne retrouverez quasiment que des auteurs britanniques (à l'exception d'Edgar Allan Poe, dont l'oeuvre est cependant très inspirée de la littérature britannique). Cependant, la littérature américaine n'est pas dénuée d'intérêt, et vaut la peine d'être lue et analysée. A travers mes lectures, en particulier de romans, je me suis en effet aperçue qu'un certain malaise semblait hanter les auteurs américains, un mal de vivre et une nostalgie qui n'est aussi fréquente en Europe. J'ai donc décidé de vous présenter ce trait particulier dans cet article, ou pour vous permettre de mieux comprendre la littérature américaine ou pour vous inciter à lire certains des ouvrages que je vais vous présenter ici. N'hésitez pas à laisser vos impressions ou vos conseils de lecture en commentaire!

Petite précision: dans cet article, le terme américain se réfère aux Etats-Unis d'Amérique, et non pas au continent américain tout entier!

L'Histoire: l'expression du traumatisme.
Partout dans le monde, l'Histoire avec un grand H est une source d'inspiration en littérature. Les grands conquérants, les batailles fascinent et poussent les auteurs à prendre la plume, et ce depuis toujours: la Guerre de Troie a par exemple fait chanter Homère (même si cette guerre est source de débats chez les historiens). Cependant, l'Histoire marque plus certains pays que d'autres. L'Histoire des Etats-Unis, bien plus fraîche et particulièrement violente, est un des sujets majeurs de la littérature américaine. Passons en revue quelques-uns de événements historiques, dont le traumatisme se ressent dans les romans:

La colonisation:
Commençons par la première étape, à savoir la colonisation par les Européens de l'Amérique. Comme vous le savez, Christophe Colomb découvre l'Amérique en 1492, et les différents pays européens se lancèrent à l'assaut de ce nouveau continent, bien décidés à ne pas laisser les concurrents prendre trop de terrain. Je ne vais pas vous retracer toute l'histoire de la colonisation (je ne suis pas assez compétente), mais sachez que le nouveau continent fascinait les auteurs, de plusieurs points de vue:

-Tout d'abord, l'idée de quitter l'Europe et les problèmes financiers mais aussi religieux (on pense à la Grande-Bretagne par exemple). La colonisation étant un processus qui prend du temps, on trouve des traces de voyages ou de volonté de partir à plusieurs époques et dans plusieurs pays: en exemple, l'abbé Prévost, un français, raconte dans Manon Lescaut le départ de son héroïne et du chevalier des Grieux en Amérique, où ils espèrent reconstruire leur vie. Les Européens se fascinent pour ce nouveau continent!

-Ensuite, il fallait vanter les avantages multiples et variés de la colonisation: les explorateurs se sont particulièrement amusés à rédiger de nombreux traités et ouvrages sur la colonisation, afin de justifier cette pratique auprès de ceux qui la trouvaient inutile et coûteuse, notamment. Le navigateur anglais John Smith est l'exemple même de ce genre de littérature, prenant en exemple la Virginie. D'autres, comme John Winthrop, racontent dans leurs ouvrages les raisons qui poussèrent à la colonisation: dans le cas de Winthrop, qui fut l'un des fondateurs du Massachusetts, c'est la volonté d'une liberté religieuse, idée qu'il développe dans son journal.

(John Smith)


-Enfin, le problème des Indiens: les Indiens furent, hélas, les principales victimes de la colonisation de l'Amérique, massacrés par milliers pour asservir les volontés d'obtenir plus de terres des Européens. Pendant longtemps, ceux-ci ont été ignorés de l'histoire et de la littérature, avant de refaire surface grâce à des romans comme le Dernier des Mohicans, de James Fenimore Cooper, en 1826. Aujourd'hui, les Indiens retrouvent plus de place dans la littérature comme au cinéma ou à la télévision: on peut citer en exemple l'épisode l'Esprit Vengeur de la saison 4 de Buffy Contre Les Vampires, référence peut-être pas très littéraire mais dans laquelle on voit une certaine reconnaissance de la souffrance infligée au peuple indien pendant la colonisation.

(Le Dernier des Mohicans se penche sur l'histoire indienne)

(dans l'Esprit Vengeur, un esprit indien venge son peuple lors de Thanksgiving)


La Guerre d'Indépendance:
Pendant plus d'un siècle, les colonies américaines furent le reflet de la puissance des différents pays européens. Cependant, s'affranchir de l'Europe devint très vite une volonté des différentes colonies: la Guerre d'Indépendance éclata en 1775, et se termina en 1783. Beaucoup de figures de cette guerre ont traversé les années, comme La Fayette. Cette Guerre particulièrement marquante a traumatisé les populations, faisant naître de nombreuses légendes et peurs. La plus connue est sans nul doute la Légende du Cavalier Sans Tête, écrite par Washington Irving, dans laquelle le fameux Cavalier perd sa tête par un boulet de canon pendant la Guerre de Sécession.

(Washington Irving)


L'Esclavage, la Guerre de Sécession et la condition noire:
L'une des volontés premières des colonies était d'exploiter cette terre nouvelle dans un but commercial. Très vite, l'esclavage devint une façon simple et peu onéreuse de rentabiliser les cultures et le commerce. Mais cela devint aussi une source d'inspiration pour les auteurs, de plusieurs façons:

-Raconter le quotidien des Esclaves et dénoncer leur condition: l'exemple le plus connu est sans nul doute la Case de l'Oncle Tom de Harriet Beecher Stowe, un livre qui a marqué les esprits en présentant un esclave plus que gentil, Tom, auquel il est impossible de ne pas s'attacher, et à qui il arrive des choses horribles, vécues par de nombreux individus pendant l'esclavage... Ce livre est à l'origine d'une prise de conscience réelle de la population du calvaire enduré par les esclaves, même si du chemin restait encore à parcourir...

(un des ouvrages classiques de la littérature américaine)

-Echapper à l'esclavage: Beaucoup, en particulier dans les états du Sud, rencontrèrent des difficultés, difficultés que l'on découvre dans des ouvrages comme Beloved, de Toni Morrison, véritable porte-parole de la cause noire. Dans ce roman, deux femmes, Sethe et Denver, ayant échappées à l'esclavage, cherchent à reconstruire leur vie, lorsque Beloved, une autre jeune femme noire, rencontre leur route, faisant rejaillir des souvenirs maladroitement enfouis dans les abysses de la mémoire...

(Toni Morrison)

-La Guerre de Sécession: l'esclavage a vite crée des problèmes au sein de la communauté. Il y avait en effet deux sortes d'états, les états du Sud favorables à l'esclavage, et ceux du Nord qui au contraire s'y opposaient. Former une nation cohérente autour d'un conflit de cette envergure était forcément compliqué, et la guerre devint inévitable. Figure majeure de cette guerre: Abraham Lincoln, président des Etats-Unis. La Guerre de Sécession, guerre civile dont la violence reste encore gravée dans les mémoires, fascine toujours les auteurs: en 2010 sortait le roman, présenté sous forme de biographie, Abraham Lincolm: Chasseur de Vampires, écrit par Seth Grahame-Smith. Dans ce roman, Abraham Lincoln chasse des vampires, la véritable raison de la guerre civile... Il s'agit d'une mise en forme d'une thèse déjà évoquée par certaines croyances. Je vous rappelle que ce livre est adapté en un film qui sortira cet été.


(la Guerre de Sécession, un conflit au lourd bilan)

(l'une des affiches du film Abraham Lincoln)

-L'après: la fin de l'esclavage ne signifie pas cependant pas que la population noire a pu s'intégrer parfaitement au sein de la communauté. En effet, les Noirs subirent des discriminations, dans le domaine de l'emploi, notamment, mais aussi géographiques, devant vivre dans des quartiers réservés (ces conditions restent encore présentes, dans certains endroits). Le livre The Help (La Couleur des Sentiments en français) parle de ces discriminations, et tout particulièrement  les discriminations envers les femmes. Ce livre a été adapté en un très beau film, qui a reçu de nombreux prix (Octavia Spencer pour son rôle de Minny). Une belle leçon d'humanité!

(Octavia Spencer remporte l'Oscar pour son rôle dans The Help)


L'entre-deux-guerres:
Le 20ème siècle n'a pas épargné les Etats-Unis, qui participent aux deux conflits mondiaux, y perdant quelques plumes. Le Krach de 1929 a aussi traumatisé un grand nombre d'Américains. Dans cette ambiance particulièrement maussade est née ce qu'on appelle la Génération Perdue (The Lost Generation), un groupe d'auteurs américains exilés à Paris: Ernest Hemingway, mais aussi John Steinbeck, Ezra Pound et F.Scott Fitzgerald symbolisent ce groupe. L'un des sujets majeurs de l'oeuvre de ces auteurs perturbés est sans nul doute le mal de vivre. John Steinbeck parle souvent de la condition humaine dans ses romans, et de la difficulté de se trouver une identité: dans A l'Est d'Eden (un véritable chef-d'oeuvre!), les différents personnages luttent avec leurs démons intérieurs; le plus emblématique est sans nul doute Cabel, interprété à l'écran par le grand James Dean, qui cherche à tout prix à gagner l'amour de son père, même s'il doit entrer en conflit avec son frère (une réinterprétation d'un épisode biblique, celui bien connu d'Abel et Caïn). F.Scott Fitzgerald, dans The Great Gatsby, évoque aussi ce mal-être dans ce personnage fascinant de Gatsby, dont on ne connaît pas grand-chose. Ce malaise américain se ressent même en dehors des frontières: le britannique Somerset Maugham raconte dans Le Fil du Rasoir le parcours de Larry, un jeune homme qui quitte du jour au lendemain sa fiancée et sa vie pour des raisons qu'on ne connaîtra pas vraiment...

(quelques uns des membres de The Lost Generation)

(James Dean dans A l'Est d'Eden)

Chuck Palahniuk et Bret Easton Ellis: malaise moderne. 
Ces deux noms ne vous évoquent peut-être pas grand chose, et pourtant, je suis sûre que vous connaissez ces deux auteurs: l'un est l'auteur de Fight Club, et l'autre d'American Psycho... Penchons-nous un peu sur eux:

Chuck Palahniuk: on ne plaisante pas avec le Fight Club:
Règle numéro 1: Il est interdit de parler du Fight Club.
Règle numéro 2: Il est interdit de parler du Fight Club.

En 1996 sort Fight Club, le roman qui a changé la vie de Chuck Palahniuk. En effet, avant celui-ci, Chuck eut du mal à faire publier ses écrits, jugés par les éditeurs comme trop provocants ou dérangeants. Comment qualifier Fight Club alors? Ce roman à la première personne (notez cependant qu'on ignore du début à la fin le véritable nom du narrateur) raconte l'histoire d'un homme, en proie à l'insomnie et accro aux soirées où se rassemblent des malades, qui fonde avec un certain Tyler Durden le Fight Club, d'abord un club de combat puis une sorte d'organisation criminelle dont la visée est la destruction et la fin de tout ordre... (Je ne raconte pas la fin afin de préserver ceux qui ne la connaissent pas, profitez-en pour le lire!). Ce roman, entièrement basé sur le mal-être et l'absence d'identité, est porté à l'écran par le réalisateur David Fincher, avec le charismatique Brad Pitt dans le rôle de Tyler Durden. Si la motivation vous manque pour lire Fight Club, je vous conseille de regarder le film, d'une fidélité époustouflante, qui même s'il n'a pas connu un succès foudroyant à sa sortie est aujourd'hui devenu un film plus que culte...

(Brad Pitt dans Fight Club)


Bret Easton Ellis: le fantôme d'American Psycho.
Bret Easton Ellis est l'un des auteurs américains les plus connus de ce début de 21ème siècle, et il a inspiré beaucoup d'auteurs contemporains (en France, Frédéric Beigbeder par exemple). Ses différents romans traitent du vide existentiel des personnages (Moins que zéro notamment), et certains ont été adaptés au cinéma. Mais le plus connu et le plus marquant est sans hésitation American Psycho, sorti en 1991, qui raconte la vie de Patrick Bateman, un homme riche, beau, charismatique, dont le passe-temps favori est d'être un psychopathe, sans raison particulière. Christian Bale, l'actuel Batman, interprète Patrick Bateman (Batman-Bateman...) dans American Psycho en 2000. Le film, qui marque les esprits, ravive les critiques virulentes prononcées déjà à l'encontre du livre à sa sortie: trop de violence, de sang, et des gestes horribles et inexpliqués. Bret Easton Ellis racontera plus tard s'être inspiré de son propre père pour ce personnage assassin et sanguinaire...
Si vous n'avez pas le courage de lire American Psycho (ce que je peux comprendre) ni de regarder le film (à éviter si vous avez peur du sang...), je vous conseille cependant de lire Lunar Park, sorti en 2005. Dans ce roman, Bret Easton Ellis oscille sans cesse entre réalité et fiction pour nous raconter son retour à une vie presque normale, alors que le fantôme de Patrick Bateman semble revenir... Un personnage qui a marqué l'univers populaire: le personnage de Dexter dans la série éponyme se sert notamment de ce nom là.

(Christian Bale dans le rôle de Patrick Bateman)



(Lunar Park)


Le mal-être est donc un sujet plus que fréquent dans la littérature américaine, qu'il s'agisse du mal-être de toute une population à cause d'une guerre ou de l'esclavage, d'un mal-être adolescent (L'attrape-coeurs de Salinger, par exemple) ou d'un adulte (chez Paul Auster notamment) ou même d'un auteur (Bret Easton Ellis). L'histoire de ce pays peut être évoquée comme étant l'une des raisons de ce mal-être, tout comme sa culture particulière: il s'agit d'une littérature du sentiment. N'hésitez-pas à partager vos goûts américains! Et je peux déjà vous annoncer le sujet des articles à venir: Catwoman (à l'occasion de la sortie du prochain Batman), la Bible et les Pirates!

AnGee Ersatz*

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